biodiversité dessin humoristique


Le lion. » […] Je pourrais citer ici un grand nombre de faits particuliers, dans lesquels j’avoue que j’ai trouvé quelque exagération, mais qui cependant sont assez fondés pour prouver au moins, par leur réunion, que sa colère est noble, son courage magnanime, son naturel sensible. On l’a souvent vu dédaigner de petits ennemis, mépriser leurs insultes et leur pardonner des libertés offensantes; on l’a vu réduit en captivité, s’ennuyer sans s’aigrir, prendre au contraire des habitudes douces, obéir à son maître, flatter la main qui le nourrit, donner quelquefois la vie à ceux qu’on avait dévoués à la mort en les lui jetant pour proie, et comme s’il se fut attaché par cet acte généreux, leur continuer ensuite la même protection, vivre tranquillement avec eux, leur faire part de sa subsistance, se la laisser même quelquefois enlever toute entière, et souffrir plutôt la faim que de perdre le fruit de son premier bienfait.
On pourrait dire aussi que le lion n’est pas cruel, puisqu’il ne l’est que par nécessité, qu’il ne détruit qu’autant qu’il consomme, et que dès qu’il est repu il est en pleine paix, tandis que le tigre, le loup et tant d’autres animaux d’espèce inférieure, tels que le renard, la fouine, le putois, le furet, etc. donnent la mort pour le seul plaisir de la donner, et que dans leurs massacres nombreux, ils semblent plutôt vouloir assouvir leur rage que leur faim.
L’extérieur du lion ne dément point ses grandes qualités intérieures; il a la figure imposante, le regard assuré, la démarche fière, la voix terrible; sa taille n’est point excessive comme celle de l’éléphant ou du rhinocéros, elle n’est ni lourde comme celle de l’hippopotame ou du bœuf, ni trop ramassée comme celle de l’hyène ou de l’ours, ni trop alongée ni déformée par des inégalités comme celle du chameau; mais elle est au contraire si bien prise et si bien proportionnée, que le corps du lion paraît être le modèle de la force jointe à l’agilité; aussi solide que nerveux, n’étant chargé ni de chair ni de graisse, et ne contenant rien de surabondant, il est tout nerf et muscle. Cette grande force musculaire se marque au dehors par les sauts et les bonds prodigieux que le lion fait aisément, par le mouvement brusque de sa queue, qui est assez fort pour terrasser un homme, par la facilité avec laquelle il fait mouvoir la peau de sa face et surtout celle de son front, ce qui ajoute beaucoup à la physionomie ou plutôt à l’expression de la fureur, et enfin par la faculté qu’il a de remuer sa crinière, laquelle non seulement se hérisse, mais se meut et s’agite en tout sens, lorsqu’il est en colère. […] » Georges-Louis Leclerc, comte de Buffon, plus connu sous le nom simple de Buffon, ( 7 septembre 1707 – 16 avril 1788 ).

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