

« Le monde ne mourra jamais par manque de merveilles, mais uniquement par manque d’émerveillement. »
Chesterton

« – L’urgence, c’est le maître-mot ?
Depuis deux ans, on n’en a jamais autant parlé, comme s’il s’agissait du seul horizon envisageable. On ne peut plus penser autrement une situation qu’à travers le concept d’urgence. Ce qui pose de redoutables problèmes car si tout est urgent, alors rien ne l’est. Il devient impossible d’opérer une hiérarchie.
La problématique du réchauffement climatique s’est trouvée posée à travers ce prisme de l’urgence, autrement dit, du présentisme. Or, une telle question ne peut se régler en quelques clics. D’où les conflits de temporalité très aigus car la même urgence est invoquée de tous les côtés, ce qui empêche de penser la durée. Quand Greta Thunberg dit « vous nous privez d’avenir », c’est un comportement présentiste, car cette phrase sous-entend que du jour au lendemain on pourrait lui rendre cet avenir. »
François Hartog, Le Monde, 2022/02/16.
« Sous l’amour de la nature, la haine des hommes. »
Marcel Gauchet


« L’apparition de ces droits sociaux nouveaux, brandis comme slogans, affiche démocratique de la société d’abondance, est donc symptomatique, en fait, du passage des éléments concernés au rang de signes distinctifs et de privilèges de classe (ou de caste). Le “droit à l’air pur” signifie la perte de l’air pur comme bien naturel, son passage au statut de marchandise, et sa redistribution sociale inégalitaire. Il ne faudrait pas prendre pour un progrès social objectif (l’inscription comme “droit” dans les tables de la loi) ce qui est progrès du système capitaliste – c’est à dire transformation progressive de toutes les valeurs concrètes et naturelles en formes productives, c’est à dire en source :
1 – de profit économique,
2 – de privilège social. »
Jean Baudrillard, La société de consommation, Denoël, 1970, (réédition Gallimard, Folio essais, 2008, p. 75).


« La croissance est un « fait total » qui englobe toutes les dimensions de notre existence et de notre société. Nous sommes dans des sociétés dont le fondement devient le refoulement, la transgression et la destruction de toute limite. Comme le rappelle le philosophe Jean-Claude Michéa, le libéralisme économique « de droite » et le libéralisme culturel « de gauche » ne s’opposent pas mais font système. Ils sont la même face d’un seul ruban de Möbius. C’est au nom des mêmes arguments que sont, par exemple, revendiqués le travail le dimanche et la libéralisation de la consommation de drogues. Or, la condition de l’humanité, et celle de la liberté, c’est l’intégration de la limite. La destruction de la nature n’est que la conséquence de cette incapacité à nous en fixer. »
Vincent Cheynet

« Buvez de l’eau où le cheval boit. Le cheval ne boira jamais de l’eau trouble. Placez votre lit où le chat dort confortablement. Mangez des fruits là où le ver s’arrête. Choisissez les champignons qui ont des mouches. Plantez un arbre où une taupe creuse. Construisez une maison où un serpent se rencontre. Creusez un puits où les oiseaux nichent à la chaleur. Allez vous coucher et levez-vous avec les poules, vous aurez une perspective en or pour la journée. Si vous mangez plus de vert, vous aurez des jambes fortes et un cœur de lion durable. Si vous regardez souvent le ciel, vos pensées seront claires et légères. Préférez le silence à la parole: le silence descendra en votre âme et votre esprit sera détendu et calme ! »
Seraphim de Sarov (Серафи́м Саро́вский), moine et mystique russe (1754-1833)
« Nous n’héritons pas de la terre de nos parents, nous l’empruntons à nos enfants. »
Proverbe Amérindien
« Prenons l’urbanisme comme exemple. Une ville durable, ce n’est pas forcément une ville qui se « développe », ce peut être une ville qui se stabilise, qui améliore ses équilibres. La notion de développement durable est donc ambiguë. Il faut pousser ses partisans dans leurs retranchements et les amener à reconnaître, s’ils sont de bonne foi, qu’il y a des choses à ne pas développer. » Pierre le Vigan, in Philitt.
« C’est entendu, les centrales atomiques sont tout à fait fiables.
C’est entendu, les missiles accumulés, les sous-marins et les fusées, les bombes à neutrons et celles à hydrogène, les produits toxiques hors la guerre, les fûts et containers de déchets radioactifs et de dioxine, les accumulations de plomb et de mercure, la couche sans cesse plus épaisse de gaz carbonique, tout cela n’est pas dangereux.
Pas plus, nous dira-t-on, que ne l’étaient les gaz d’éclairage en 1850 ou les premiers chemins de fer.
Pauvres imbéciles délateurs du progrès que nous sommes, et qui n’avons rien compris.
– Jamais personne ne fera la dernière des dernières guerres.
– Jamais les pétroliers de 500 000 tonnes n’échoueront, ni les sondages off shore à trois mille mètres ne crèveront de façon irréparable.
– Jamais le génie génétique ne déviera pour produire des monstres ou bien des êtres d’une si parfaite conformité au modèle prescrit.
– Jamais les tranquillisants, euphorisants, déconnectants ne seront une camisole de force chimique généralisée.
– Jamais les nourritures artificielles fabriquées par d’agiles bactéries mises en action ne seront une pourriture.
– Jamais l’informatique ne sera l’instrument d’une police universelle.
– Jamais les caméras fixées sur les avenues ne seront l’œil qui ne se trouve plus dans la tombe et qui n’est plus à Dieu.
– Jamais l’État ne deviendra totalitaire.
– Jamais le goulag ne s’étendra.
Faites confiance. Faites donc confiance aux savants, aux laboratoires, aux hommes d’État, aux techniciens, aux administrateurs, aux aménageurs, qui tous ne veulent que le bien de l’humanité, qui tiennent bien en main l’appareil et connaissent la bonne direction.
Faites confiance aux prévisionnistes, aux informaticiens, aux hygiénistes, aux économistes, aux gardiens de la Cité (ô Platon, nous les avons maintenant !).
Faites confiance, car votre confiance est indispensable dans cette sorcellerie. »
Jacques Ellul, « La Foi au prix du doute », « encore quarante jours » (Hachette, 1980)
“ Les écologistes sont très importants en ce moment. et cela parce qu’à une époque plutôt relativiste et constructiviste, où l’homme s’imagine volontiers qu’il peut tout faire et que tout est possible impunément, l’écologie est le seul courant de pensée qui aperçoit des limites. L’écologie voit le monde comme un ordre façonné en dehors de nous, dont nous ne sommes pas les maîtres absolus, et que nous devons respecter : c’est un scoop.
Les écologistes sont des conservateurs au sens où l’on pense que tout n’est pas possible impunément, que nous ne sommes pas des dieux. C’est pourquoi il faut partir de là pour faire comprendre le reste. Si la nature est confiée à notre garde, alors peut-être nos contemporains pourront-ils comprendre que l’homme aussi est confié à notre garde.”
Chantal Delsol.

« De nos jours, dès que l’on prétend marquer une limite, on croit aussitôt qu’il s’agit de se serrer la ceinture, alors qu’il s’agit seulement d’avoir une ceinture. Et même d’avoir quelque chose sous la ceinture. De quoi est-il question ? De croissance. Or qu’est-ce que la croissance ? Une opération du vivant. L’opération médiane, qui se situe entre la nutrition et la génération. Un vivant, fût-ce une plante, se nourrit pour se sustenter et pour croître. Mais cette croissance a un terme – de sorte que la notion de « croissance illimitée » est un cercle carré, une tige sans fin, c’est-à-dire sans floraison ni fructification. ». Fabrice Hadjadj, in Limite, revue d’écologie intégrale. Septembre 2015.
« Notre monde est chargé d’une
Majesté qui la dépasse
Et qui sourd en lui comme flambe une feuille d’or » (G.M.
Hopkins)