(…) Un homme à la fois impressionnant, déconcertant et chaleureux. En 1986, il [François Michelin] donna une conférence publique à Paris devant un parterre de quatre cents patrons représentant la fine fleur des entreprises françaises. C’était un événement car François Michelin ne parlait jamais publiquement, ne donnait aucune interview, et avait la réputation d’être le patron le plus secret de France.
Il y eut un choc, car jamais on n’avait entendu un grand patron parler de cette manière, avec ces silences, ces questions qu’il retournait à la salle, par sa réflexion à contre-courant de la pensé du temps, qu’il illustrait par de nombreuses histoires vécues dans l’entreprise comme autant de paraboles.
L’une d’entre elles frappa beaucoup l’auditoire. Un jour, un ingénieur alla voir son grand-père, Edouard Michelin, pour lui dire qu’il fallait que l’entreprise se lance dans la fabrication de l’ébonite, qui était un isolant électrique très onéreux à l’époque. Edouard lui demanda trois jours de réflexion. Puis il l’appela et lui dit : « Vous vous proposez de transformer la matière première qui est le caoutchouc et de la porter à très haute température en transformant sa structure moléculaire ? C’est contraire à l’être profond de ce matériau ».
Pour cette raison, Michelin ne se lança pas dans la fabrication de l’ébonite : respect de la matière. Quelques années après arriva sur le marché la bakélite, qui coûtait dix fois moins chère à produire… L’entreprise aurait perdu beaucoup d’argent si elle s’était lancée dans cette aventure. François Michelin ajouta que pour les hommes il en allait de même : il fallait respecter leur être profond et faire en sorte qu’ils puissent développer toutes leurs potentialités pour qu’ils deviennent ce qu’ils étaient en puissance. « Il faut laisser les choses naître » ajouta-t-il. (…)
Marc Janson, in FC N°1947.

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